Quelles disparités dans la réponse pénale ?
L’Observatoire propose d’explorer certaines des disparités dans la réponse pénale, en exploitant notamment des données du Ministère de la Justice sur l’activité des tribunaux français depuis deux décennies.
L’analyse des statistiques de la réponse pénale montre des évolutions majeures dans la manière de traiter les affaires pénales depuis les années 2000. Mais au-delà de cette évolution générale vers une systématisation de la réponse pénale, de grandes disparités existent entre tribunaux dans leur mode de réponse, à chaque étape de la procédure pénale, jusqu’aux peines prononcées. Ces disparités témoignent notamment du nombre d’affaires et donc de la charge de travail, très variables sur le territoire, que les magistrats du siège et du parquet doivent assumer.
Les évolutions de la réponse pénale
Petits et grands tribunaux
Les peines prononcées et exécutées
L’inégale répartition des magistrats
Un traitement différencié des femmes ?
Un traitement différencié des étrangers ?
Une typologie des tribunaux
Une défiance des citoyens
Résultats de l’enquête IFOP “Les Français et la Justice” de septembre 2019
Les Français sont très critiques envers leur Justice. Dans un sondage de septembre 2019 sur “Les Français et la justice“, ils ne sont que 53% à lui accorder leur confiance contre 75% pour la police (sondage IFOP). Surtout, cette confiance s’érode avec le temps (-10 points depuis 2008) et s’accompagnent d’une remise en cause des peines prononcées par les magistrats (peines pas adaptées pour deux tiers des répondants) et d’une critique des délais judiciaires. En somme, la Justice française serait trop lente et trop laxiste.
Mais une analyse fine des décisions des tribunaux montre en réalité que la réponse pénale est d’abord variée et hétérogène :
- elle varie d’un territoire à l’autre, notamment en fonction des spécificités de la délinquance ou des contraintes locales (stocks d’affaires à traiter, postes de magistrats et greffiers vacants, prisons surchargées, etc.) ;
- elle varie aussi au fil du temps, selon des tendances de long-terme mais aussi pour s’adapter à des chocs de court-terme, comme l’épidémie de Covid au printemps 2020.
Disparités ou loterie ?
Ces disparités dans le traitement des justiciables alimentent souvent le soupçon d’une loterie judiciaire et d’inégalités des citoyens face à la loi. Tous les justiciables ne seraient pas traités de la même manière par l’institution judiciaire, selon qu’ils sont riches ou pauvres, blancs ou noirs, habitant en centre-ville, en banlieue ou à la campagne. Dans une enquête de juin 2021, 63% des répondants ne font ainsi pas confiance à la Justice pour “diminuer les injustices existant en France” (sondage IFOP pour le Conseil National des Barreaux – projet In/Justice).
Dans son livre “Justice en France : une loterie nationale” (2003), Dominique Simonnot – actuelle Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté – raconte ainsi son expérience des audiences de comparution immédiate : “Devenue éducatrice, chargée de la réinsertion des délinquants au tribunal de Nanterre, je continue à assister à ces audiences. Chaque fois renforcée dans l’idée que cette justice réservée aux petits voleurs, aux buveurs du dimanche, aux dealers, aux toxicos et aux sans-papiers ressemble… à une loterie. Tout dépend des magistrats qui jugent. Plus ou moins sévères. Plus ou moins pressés. Plus ou moins fatigués par la lourdeur des audiences, par le nombre des affaires inscrites. Des avocats aussi. Commis d’office. Plus ou moins convaincants. Blasés. Pressés. Indifférents. Ou au contraire convaincus. Combatifs. Eloquents. Efficaces.”